Glissements de terrain et coulées de boue
Les glissements de terrain se différencient en fonction de la profondeur de leur plan de glissement (superficiel, semi-profond ou profond) et de leur type de mouvement (spontané ou permanent). Pour les glissements permanents, le paramètre déterminant est la vitesse moyenne du mouvement sur plusieurs années ou décennies. Dans le cas des glissements spontanés, ce sont le déplacement et le tassement contre le bâtiment qui sont déterminants. Il faut s’attendre à d’importants dommages lorsque la vitesse et la direction du mouvement du sol présentent de grandes variations spatiales et temporelles. Si un versant escarpé est saturé en eau, un glissement superficiel peut se transformer en une coulée de boue. Dans le cas de coulées de boue de versant, le danger posé par l’écoulement de l’eau vient s’ajouter à celui de la masse en mouvement (voir laves torentielles). Les meilleurs moyens de protéger les bâtiments contre les glissements de terrain et les coulées de boue consistent à éviter de construire dans des zones à risques (carte de dangers) et à mettre en œuvre des mesures au niveau du bâtiment et à la source du danger.
Les objectifs de protection nationaux pour les nouveaux bâtiments se réfèrent à la norme SIA 261/1. Cette norme définit l’événement tricentennal comme objectif de protection contre les dangers naturels gravitationnels (crues, glissements de terrain, laves torrentielles, chutes de pierres, avalanches) pour les bâtiments résidentiels et commerciaux standard (CO I). Il convient également de respecter les directives cantonales et communales, ces dernières n’excédant toutefois pas en général les exigences de la norme SIA 261/1. Concrètement, le bâtiment doit rester intact et protéger des personnes se trouvant à l’intérieur même en cas d’événement tricentennal.
À partir de la classe d’ouvrage CO II, les exigences à respecter sont plus sévères (facteurs d’importance et majorations de la hauteur selon SIA 261/1).
Les glissements superficiels se déplacent sur un plan de glissement (hr) qui se situe à 2 m de profondeur au maximum. De ce fait, le volume de matière solide déplacé est limité. Il s’agit généralement de glissements spontanés qui se déclenchent subitement comme un événement unique sur une surface de glissement quand la pression d’eau interstitielle dans le sol est élevée. Cette situation se produit par exemple après des épisodes pluvieux intenses et de longue durée. Les glissements superficiels ont rarement des vitesses de mouvement continues. On observe de temps en temps des processus de mouvement (de reptation) sans une surface de glissement claire.
Les coulées de boue peuvent survenir sur des versants escarpés lorsque les couches souterraines présentent une stabilité amoindrie et qu’elles sont fortement détrempées. La masse de terre saturée d'eau se met alors subitement en mouvement. La plupart du temps, ce phénomène se produit près de la surface du sol. Le mouvement est très rapide en raison de la part élevée en eau, ce qui provoque un déplacement total du sol. L’action exercée sur le bâtiment est comparable à celle des laves torentielles, mais les coulées de boue sont plutôt constituées de matériaux fins.
On parle de glissement semi-profond lorsque le plan de glissement se trouve à une profondeur de 2 à 10 m, et de glissement profond lorsqu’il est à plus de 10 m. Ces glissements déplacent un volume de matière solide qui est nettement supérieur à celui charrié par les glissements superficiels. C’est pourquoi ils génèrent souvent des forces de poussée des terres qu’on ne peut plus contrer, ou alors au prix d’ouvrages de soutènement très onéreux. En cas de glissements semi-profonds et profonds, les bâtiments sont généralement entièrement entraînés par le mouvement. L’ampleur des dommages qu’ils subissent dépend de la taille et de l’homogénéité des mouvements sur l’ensemble du corps en glissement.
Entre les glissements de terrain permanents et spontanés, de nombreuses formes intermédiaires avec des comportements de mouvement très différents sont possibles. La surface de glissement peut être incurvée comme une demi-sphère (glissement rotationnel) ou plane (glissement translationnel), mais ici à nouveau la délimitation est floue.
Les effets des glissements superficiels sur les bâtiments sont dus à la poussée générée par les masses de terre en mouvement. En ce qui concerne les bâtiments, il s’agit généralement d’actions sur les parois extérieures, qui n’affectent pas les fondations. Afin de dimensionner correctement les mesures de protection des objets contre les glissements de terrain, il est nécessaire de connaître la profondeur du plan de glissement (hr). Dans le cas des glissements spontanés, on considère également la position du niveau piézométrique (hw), les caractéristiques du sol (φ, c, γ) et les éventuelles surpressions d’eau interstitielle (u). Pour les glissements permanents, les paramètres déterminants sont la vitesse (vf) moyenne et l'homogénéité du mouvement.
Effets et dommages possibles des glissements semi-profonds à profonds en fonction de la vitesse
Vitesse vf |
Dommages pouvant affecter les bâtiments et l’espace extérieur |
---|---|
1-5 mm/an |
Bâtiment : Dommages faibles au bâtiment, formation de petites fissures selon le type de construction et de fondation |
5-20 mm/an |
Bâtiment : Dommages moyens, fissures moyennes selon le type de construction et de fondation, inclinaison légère à moyenne du bâtiment |
20-100 mm/an |
Bâtiment : Dommages considérables, grosses fissures selon le type de construction et de fondation, inclinaisons importantes structure du bâtiment endommagée à long terme |
Plus de 100 mm/an |
Bâtiment : Formations de nombreuses fissures selon le type de construction et de fondation, inclinaisons très importantes, dommages graves à la structure du bâtiment jusqu’à la perte de la stabilité structurale, perte de l’aptitude au service |
Les dommages correspondant à cette activité sont dus aux variations de la vitesse et de la direction du mouvement au sein de la masse en glissement. Lorsque la vitesse et la direction sont homogènes, les dommages surviennent principalement en bordure du glissement (zones de cisaillement).
Les tassements différentiels sont habituellement mesurés au moyen de l’angle de rotation tana. Il y a lieu d’appliquer les valeurs limites typiques suivantes :
tanα = 1/750 : les machines sensibles rencontrent des problèmes
tanα = 1/500 : les ouvrages commencent à se fissurer
tanα = 1/250 : l’inclinaison des ouvrages élevés devient visible
tana = 1/150 : la structure des ouvrages subit des dégâts
Notations
hr [m] | Profondeur du plan de glissement |
he [m] | Profondeur du bâtiment |
hw [m] | Profondeur du niveau piézométrique |
hs [mm] | Tassement par événement (glissements spontanés) |
s [mm] | Déplacement horizontal par événement (glissements spontanés) |
vf [mm/Jahr] | Vitesse (glissements permanents) |
vh [mm/Jahr] | Composante horizontale de la vitesse (glissements permanents) |
vv [mm/Jahr] | Composante verticale de la vitesse (glissements permanents) |
γ [kN/m3] | Poids spécifique du sol ou de la roche |
α [°] | Angle d’inclinaison du bâtiment |
φ [°] | Angle de résistance au cisaillement du sol ou angle le long des couches de séparation dans la roche (angle de frottement) |
c [kN/m2] | Cohésion du sol ou de la roche |
u [kN/m2] | Pression d’eau interstitielle |
qea [kN/m2] | Pression active des terres |
qep [kN/m2] | Pression passive des terres |
Situation de danger 1 : glissement superficiel en aval
Un glissement de terrain superficiel s’éloigne du bâtiment d’une distance s en direction de la vallée. Si la surface de glissement est moins profonde que les fondations, la stabilité globale du bâtiment n’est généralement pas menacée. Sous l'effet du mouvement de glissement, des dommages surviennent autour du bâtiment (conduites, route d’accès, ouvrages de soutènement, etc.) et les tassements dans le terrain causent également des dégâts au bâtiment.
Situation de danger 2 : glissement superficiel en amont
Un glissement superficiel s’avance contre le bâtiment. Cela provoque une augmentation de la poussée des terres qea appliquée sur les parois côté versant, ce qui compromet leur stabilité structurale. Selon le volume et la vitesse de la masse de terre en mouvement et le propre poids du bâtiment, la stabilité du terrain (stabilité au renversement et au glissement) peut aussi être menacée.
Situation de danger 3 : Un glissement semi-profond entraîne une partie d’un bâtiment
Un glissement de terrain semi-profond, qui survient en partie sous le bâtiment, provoque des tassements et des inclinaisons ou des torsions qui fissurent le bâtiment. Selon le type de fondation et le concept statique de la construction, la stabilité structurelle du bâtiment touché peut être compromise.
Situation de danger 4: un glissement semi-profond entraîne l’ensemble d’un bâtiment
Des tassements irréguliers et des déplacements menacent la stabilité structurelle, la stabilité globale et l’aptitude au service du bâtiment. Les déformations subies par le bâtiment varient selon le type de fondation et la conception du système porteur (tassements/soulèvements, inclinaison, fissures).
Situation de danger 5 : glissement profond de vitesse faible et homogène
Le mouvement de glissement entraîne tout le bâtiment. Les vitesses de mouvement sont toutefois faibles et homogènes dans la tranche de terrain correspondant à la profondeur de fondation (aucune différence entre les mouvements horizontaux et verticaux). Des dommages apparaissent dans les zones de mouvements variables en bordure du glissement et aux endroits où le terrain forme des bosses et des dépressions.
Situation de danger 6 : glissement profond de vitesse élevée et hétérogène
Le mouvement de glissement entraîne tout le bâtiment. Les vitesses de mouvement sont élevées et/ou irrégulières dans la tranche de terrain correspondant à la profondeur de fondation. Les composantes horizontales et verticales du mouvement subi par le bâtiment présentent donc d’importantes variations. La stabilité structurale, la stabilité globale (basculement) et l’aptitude au service du bâtiment sont fortement compromises.
Situation de danger 7 : Une coulée de boue entraîne le bâtiment
Dans le cas des coulées de boue , la masse de terre glisse subitement et très rapidement le long des plans de glissement les plus proches de la surface. Le danger posé par l’écoulement de l’eau vient s’ajouter à l’effet de la masse en mouvement (situation de danger 2, voir aussi situations de danger laves torrentielles).
Les effets des glissements de terrain sur les bâtiments sont les pressions, les tassements, les déplacements, les inclinaisons et les déformations. Ces effets doivent être déterminés sur la base d’une expertise du sol de fondation et d’une appréciation géotechnique adaptées à l’ouvrage traité. En général, les informations qui figurent sur les cartes des dangers et des intensités ne suffisent pas pour dimensionner les mesures de protection des bâtiments. Dans le seul cas des glissements superficiels, il est éventuellement possible de renoncer à une investigation de terrain plus approfondie. Les effets générés par les glissements de terrain ne peuvent pas être exprimés directement au moyen de valeurs normées. Ils doivent être déterminés, conformément aux conditions locales, en appliquant les règles de l’art de la géotechnique.
Trois approches s’offrent au spécialiste en géotechnique pour mesurer les effets : différentes investigations de terrain permettent de déterminer la profondeur d’un plan de glissement déjà formé, la vitesse de glissement, la compacité du terrain et les paramètres relatifs à l’eau interstitielle dans le sol et à l’eau de pente. Des essais de laboratoire à partir d’échantillons prélevés sur du matériau meuble ou de la roche permettent d’analyser la densité, l’angle de résistance au cisaillement et la cohésion. On peut calculer les effets en introduisant ces paramètres, ainsi que des données relatives à la topographie locale, dans des modélisations numériques. Ces modélisations permettent en outre de contrôler l’efficacité des mesures de protection envisagées.
Basculement
Un glissement superficiel en amont fait basculer/tourner le bâtiment:
Formation de fissures
Déformation du terrain ayant un effet sur le bâtiment ou sur certaines de ses parties
Le bâtiment ne peut pas résister aux forces exercées par une coulée de boue et est partiellement ou complètement détruit.
Des mesures en termes de conception, de renforcement, de stabilisation permettent de réduire considérablement le danger pour les personnes et les biens. Pour les nouveaux bâtiments, la priorité est de choisir un emplacement aussi sûr que possible. Les bâtiments existants peuvent être protégés en stabilisant le glissement ou en mettant en œuvre des mesures de construction. On peut appliquer une large gamme de mesures : aménagement du terrain, renforcement des fondations et du système porteur, disposition des conduites, détournement des eaux météoriques, concept d’affectation des espaces intérieurs. Si le bâtiment est menacé par des glissements spontanés ou des coulées de boue, il convient de rendre étanche l’enveloppe du bâtiment et de disposer dans la zone protégée par le bâtiment les espaces extérieurs impliquant un séjour prolongé et les accès.
Propositions de concepts et de mesures de protection pour les différentes parties du bâtiment :
Egli, Th. (2005): Recommandations - Protection des objets contre les dangers naturels gravitationnels. Association des établissements cantonaux d'assurance incendie, Berne.
OFEV ( 2016): Protection contre les dangers dus aux mouvements de terrain. Aide à l’exécution concernant la gestion des dangers dus aux glissements de terrain, aux chutes de pierres et aux coulées de boue. Office fédéral de l’environnement, Berne. L’environnement pratique n° 1608: 98 p.
OFROU (2012): Dangers naturels sur les routes nationales : Concept de risque. Méthodologie basée sur les risques pour l’évaluation, la préven-tion et la maîtrise des dangers naturels gravitationnels sur les routes nationales, Office fédéral des routes, Berne.
PLANAT (2011): Concept de risque appliqué aux dangers naturels. Plate-forme nationale "Dangers Naturels", Berne.
Fondation de prévention des établissements cantonaux d'assurance (2014): Prevent-Building – une méthode et un outil d’évaluation de l’efficacité, de la rentabilité et de l’acceptabilité des mesures de protection des bâtiments, destinés à parer aux risques naturels gravitationnels et météorologiques. Rapport concernant la phase 1 incluant les adaptations de la phase 2. Groupe de travail Prevent-Building: WSL-Institut pour l'étude de la neige et des avalanches SLF, Egli Engineering AG, Geotest SA, B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung, Version 12.05.2014. (Download)
Suda J. und Rudolf-Miklau F. (Hrsg.) (2012): Bauen und Naturgefahren, Handbuch für konstruktiven Gebäudeschutz. Springer, Wien.
Arbeitsgruppe Geologie und Naturgefahren (1998): Geologische Naturgefahren in der Schweiz. Separatdruck aus: Bulletin für angewandte Geologie 3/1, ISSN 1420-6846.
Lang, H.-J. et al. (2010): Bodenmechanik und Grundbau. Das Verhalten von Böden und Fels und die wichtigsten grundbaulichen Konzepte, 9. bearbeitete Auflage, Springer Verlag, Berlin
Smoltczyk, U. [Hrsg.] (2009): Grundbau Taschenbuch, 7. Auflage,. Teil 1, Geotechnische Grundlagen, Ernst und Sohn, Berlin.
Smoltczyk, U. [Hrsg.] (2009): Grundbau Taschenbuch, 7. Auflage, Teil 3, Gründungen und geotechnische Bauwerke, Ernst und Sohn, Berlin.
Veder, Ch. (1979): Rutschungen und ihre Sanierung. Springer Verlag, Wien / New York.